HERAULT TRIBUNE / 9 AVRIL 2025
Louise BRAHITI
Le Comité stratégique départemental s’est prononcé ce mardi 8 avril sur l’avenir de sept projets de retenues d’eau dites “hivernales”. Le verdict est tombé : quatre projets sont retenus, dont deux entreront en phase opérationnelle dès cette année, tandis que trois sont abandonnés pour des raisons environnementales et sociétales. Mais dehors, la tension est palpable.

En effet, ce même mardi 8 avril, plus d’une cinquantaine de manifestants, réunis par le collectif Coord’Eau 34, ont exprimé leur rejet ferme des projets de “mégabassines”, qu’ils jugent “inadaptées, coûteuses et injustes”. Ce face-à-face opposant la logique d’aménagement institutionnel à une opposition réclamant un moratoire immédiat ne fait que renforcer la fracture entre les visions.
Deux projets en marche, deux en cours, trois rejetés
Après 18 mois d’étude, de concertation et de réunions publiques, le Département de l’Hérault a acté hier la poursuite de quatre projets sur les sept initialement envisagés. Deux seront mis en œuvre dès 2025 : Florensac et Pouzolles l’Étang. Deux autres (Magalas et Caussiniojouls/Laurens) sont conservés comme options à plus long terme. Coulobres, Autignac et Pouzolles La Prade, eux, sont définitivement abandonnés, jugés “non viables” face aux contraintes locales, notamment la proximité d’habitations ou d’écoles.
Ces retenues, rappelle le Département, seront alimentées exclusivement en hiver par l’eau du Rhône via le réseau Aqua Domitia, un réseau sous-exploité à seulement 15 % de sa capacité. “Aucun prélèvement ne sera effectué dans les nappes phréatiques”, martèle l’exécutif local. Les besoins sont estimés à 3,4 millions de mètres cubes par an, pour “irriguer les terres agricoles”, “sécuriser l’approvisionnement communal” et répondre aux “urgences des services de secours”.
Une contestation déterminée
Mais devant Alco, l’argumentaire institutionnel ne passe pas. Le collectif Coord’Eau 34, accompagné d’élus comme Coralie Mantion (Europe Écologie Les Verts Montpellier), s’insurge contre un projet qu’ils jugent “maladroit dans son diagnostic et déconnecté des enjeux climatiques”.
La critique dépasse la seule question technique. Elle est systémique : “Ce modèle agricole est à bout de souffle”, martèle la Coord’eau 34. Selon eux, 70 % des terres agricoles resteraient sans irrigation malgré l’investissement, tandis que la filière viticole peine déjà à se réinventer face à la chute de la consommation et aux aléas climatiques. Le collectif accuse le Département d’investir dans des “solutions technicistes”, sans remise en cause de l’organisation agricole dominante, ni débat démocratique réel. À leurs yeux, “l’eau est un commun”, pas une variable d’ajustement économique.
Le Département défend une stratégie d’anticipation
De son côté, le Conseil départemental assume une logique de sécurité et d’adaptation. “Nous avons évalué chaque site selon des critères sociaux, environnementaux, paysagers, économiques et réglementaires”, indique le communiqué officiel. Pour les élus, la priorité est claire : il s’agit d’anticiper les sécheresses à répétition, de diversifier les usages de l’eau du Rhône en hiver et de maintenir une activité agricole essentielle au territoire.
Le Comité stratégique, qui rassemble des représentants de l’État, des collectivités, de la chambre d’agriculture, d’associations (France Nature Environnement, UFC-Que Choisir) et d’agriculteurs, a approuvé majoritairement les conclusions de l’étude. “Il ne s’agit pas de mégabassines comme ailleurs, mais de petites retenues de 4 à 20 hectares, pensées pour l’hiver et sans impact sur les nappes”, pointe le Département.
Une nouvelle phase de concertation est prévue, avant l’enquête publique et les demandes d’autorisations réglementaires. Si le calendrier est respecté, les premières retenues pourraient voir le jour en 2028.
Deux visions irréconciliables
Si les études de maîtrise d’œuvre vont désormais être lancées sur les deux sites prioritaires, l’opposition ne faiblit pas. La Coord’eau 34 exige un moratoire général et un débat de fond sur l’usage de l’eau à l’échelle départementale. Elle propose de relier la politique d’irrigation à une réorientation des systèmes agricoles, vers des cultures moins gourmandes en eau et intégrées à des circuits alimentaires locaux.
Même tonalité chez EELV : “Les méga-bassines, déjà dépassées, ne répondent pas aux enjeux actuels. La priorité doit être donnée à une refonte des modèles agricoles. Il est temps de privilégier des solutions durables, équitables et respectueuses des ressources naturelles.”