Midi Libre du 25 février 2024
François Vasquez, l’élu de la majorité à la Métropole chargé du traitement des déchets et leur valorisation revient sur le désaccord de fond qui l’oppose à Michaël Delafosse et son équipe sur le choix de construire une filière « CSR » pour incinérer les déchets qui sont aujourd’hui exportés hors de la métropole.
Quelques jours après avoir exposé vos désaccords avec Michaël Delafosse sur la politique de traitement des déchets où en êtes-vous ?
D’abord j’ai été élu pour une stratégie « zéro déchets » qui n’a pas été appliquée. À dessein. Un autre choix avait été fait, l’incinération des plastiques, qu’on appelle filière CSR. Ce choix n’a pas été décidé politiquement.
À quand remonte ce choix selon vous ?
La racine du mal c’est la loi sur la transition écologique qui a décidé qu’il ne fallait plus mettre en décharge ni incinérer. Mais l’État a fait ça sans mettre de moyens de prévention, avec pas grand-chose sur la tarification ni les biodéchets. Il ne donne pas les moyens d’agir mais vient taxer, car les déchets sont une pompe à fric pour l’État. La seule filière qu’ont les industriels c’est la filière CSR. Elle existe depuis 25 ans mais personne n’en veut. C’est la seule solution technique, cela nous pousse vers cette filière polluante, inefficace et coûteuse. Quand j’arrive les services avaient déjà travaillé sur cette solution mais dans les engagements de mandat il est fait état d’une stratégie zéro déchet, donc à aucun moment je pense qu’on va la faire à mon insu. Je misais sur le fait qu’on pouvait renouveler Ametyst en en faisant une usine de méthanisation et de compostage, à l’échelle du territoire, jusqu’à 100 km autour.
« La filière CSR c’est un cancer technologique »
Pourquoi dites-vous que rien n’a été fait ?
J’ai demandé à sortir les déchets des zones d’activités économiques et là, on me dit que ça prend du temps. C’est faux, cela se fait sur une année. Cela représente 20 000 t et cela nous coûte 7 à 8 millions d’euros pour les traiter. Pourtant la loi oblige les industriels à faire un tri qui peut aller jusqu’à neuf flux. C’est le directeur général des services qui a dit non. Que Michaël Delafosse n’y connaisse rien sur les déchets, c’est factuel, que son cabinet soit plus que faible pour gérer une solution et les urgences, c’est un fait. Mais que le DGS Olivier Nys fasse de la politique c’est ce que j’ai constaté depuis le début de mon mandat. Ce n’est pas de bon ton de le dire mais…. La volonté de planter le système de la part du DGS date de 2020 et est originelle. C’est quatre ans d’usure où on s’est foutu de ma gueule.
Comment qualifiez-vous le choix de cette filière CSR ?
C’est un train fou, un futur scandale, un cancer technologique. C’est bien pire qu’Ametyst au niveau économique et environnemental. On a changé de paradigme avec l’effet de serre, le climat mais ce monde des industriels des déchets ne change pas. Quand je soulève ça, je suis seul. Je l’ai dit en bureau de Métropole mais le président a dit on ne bouge pas. On a obtenu le report de la délibération mais j’ai fait ça pour qu’on annule cette décision. On a un mois devant nous. Mais ma démarche n’est pas ad hominem et pas partisane. Je veux faire consensus autour de moi, de l’extrême gauche à la droite et au centre, avec les écologistes.
Quelles sont vos propositions alternatives ?
Mon plan est plus crédible, argumenté et défendable que le plan de la filière CSR des industriels. Dans leur bilan matières, il n’y a pas de chiffes sur l’investissement, le fonctionnement, sur les risques majeurs, sur la future taxe générale sur les activités polluantes. Pour avoir 45 000 tonnes de matières plastiques à brûler, il faut 100 000 tonnes de refus dont seulement 10 % ont un haut pouvoir calorifique. Si ma stratégie est appliquée on divise ces refus par deux. On peut tomber de 10 000 tonnes par an si on met les bio sceaux, les points d’apports volontaires., une communication importante. Si on y ajoute les 20 000 tonnes des zones d’activités économiques cela fait 35 000 tonnes en moins… Et il n’y a pas de filière CSR qui part. Le scénario que je porte a été voté à l’unanimité par le conseil de Métropole en 2022.
Vous proposez d’utiliser les incinérateurs de Sète et de Lunel-Viel mais est-ce possible ?
On est à 15 à 20 km des deux incinérateurs. Alors qu’aujourd’hui on exporte 15 000 tonnes à Montech à côté de Toulouse. On aurait pu baisser déjà les tonnages des zones économiques. La pertinence dans le traitement des déchets c’est un million d’habitants. C’est le cas de ce territoire. Sète va ouvrir son incinérateur l’an prochain et Lunel engage une stratégie « biodéchets » volontariste. Cela ferait 20 000 tonnes de « vides de four » à Sète. Et à Lunel, j’affirme qu’on nous propose 25 000 tonnes… pour Montpellier. J’ai leur soutien. On peut travailler ensemble et que leurs biodéchets soient accueillis à Ametyst. On a une solution de proximité.
Si le 2 avril, le conseil de Métropole approuve le choix de la filière CSR, comment envisagez-vous votre avenir de vice-président ?
Il n’est pas question que je valide cette filière. Si on vote le budget en même temps que la filière je voterai contre le budget. Je suis contre l’idée de démissionner car je suis légitime. C’est à Michaël Delafosse de tirer les conclusions, qu’il assume de me démettre de mes responsabilités. Je ne vais pas rester, c’est clair. Ma démission est actée mais je n’ai pas à dire, de façon honteuse je m’en vais. Je ne peux plus supporter ce DGS, ce cabinet et ce président. Dans ma tête je suis déjà parti mais je réfléchis à la manière dont je vais le faire. Je pense que cette décision de filière CSR n’ira pas à son terme. Les prochaines élections feront qu’elle sera cassée. Ce sera l’un des enjeux des municipales.
Bio express
François Vasquez, 60 ans, est actuellement conseiller municipal et vice-président de la Métropole en charge de la collecte, du tri et de la valorisation des déchets et porteur de la politique dite zéro déchet. Il s’agit du premier mandat pour ce kiné de formation. En 2019, François Vasquez a rejoint la liste présentée par Europe-Ecologie les Verts puis la liste d’union conduite par Michaël Delafosse.
Avant cette entrée en politique, François Vasquez s’est fait connaître en devenant le porte-parole de l’association des riverains de Garosud qui s’est mobilisée contre l’implantation puis l’ouverture de l’usine de méthanisation Ametyst. C’est dans ce cadre associatif qu’il a enrichi ses connaissances sur les modes de traitements de déchets.