Conseil de métropole du 2 avril 2024
Intervention de Célia Serrano
Délibération sur l’exploitation du service public de traitement et de valorisation de déchets ménagers et assimilés par méthanisation et valorisation énergétique sur le site de l’unité Ametyst. L’exploitation actuelle d’AMETYST est gérée par un contrat de DSP qui prendra fin le 31 décembre 2024. Il convient d’envisager les modalités à venir d’exploitation de l’installation, en intégrant une filière CSR (TMB + incinérateur)
VOTE = CONTRE
Chères et chers collègues,
Cette filière est une aberration technique.
Pour nourrir les 45 000 tonnes à haut pouvoir calorifique de la chaudière, l’industriel aura besoin de 100 000 tonnes à éliminer. Or notre politique avait pour vocation de les diviser par deux.
La filière produira 45 000 tonnes de CSR. Mais alors, nous continuerons d’exporter les 55 000 restants, auxquels il faudra joindre les résidus des cendres et des fumées toxiques (rincées avec de l’eau, qu’il faudra également traiter), les stabilisats et le séchage des déchets et il restera in fine le même tonnage qu’aujourd’hui de refus à exporter pour enfouir : 98 000 tonnes en 2035 : le CSR n’est pas la solution.
Il est annoncé qu’il s’agit de brûler nos déchets, bien trop nombreux, pour en dégager de la chaleur.
L’ADEME a bien dit que pour correspondre au financement, il fallait qu’il y ait en premier lieu, un besoin énergétique, plus qu’un surplus de déchets.
Or, les premières communications de Monsieur le Président, faisaient état non pas d’un besoin de chaleur, parce que nous n’en avons effectivement pas besoin, mais d’un trop grand nombre de déchets à enfouir hors de notre métropole.
Il a raison sur un point : ce tourisme des déchets est parfaitement amoral. Mais il est bien plus cynique de ne pas baisser nos tonnages de déchets et de vouloir continuer l’enfouissement car cette filière n’est pas un exutoire, avec en plus une pollution de notre air, nos sols et nos cours d’eaux par l’implantation d’une filière avec un incinérateur en ville.
Oui, un incinérateur puisque selon le schéma et les chiffres associés du cabinet d’étude annonce bien un incinérateur.
Mais nous n’avons pas besoin d’un réseau de chaleur. Cela pourrait se justifier si nous avions des usines à chauffer, des cimentiers à nourrir. Mais ce n’est pas le cas : il s’agira d’habitations.
Pourquoi alors ne pas nous multiplier les projets photovoltaïques (respectons le Plan Climat !), projets bien moins couteux que ces 100 millions d’euros annoncés ? Pourquoi ne pas rénover énergétiquement nos bâtiments publics, aller davantage dans l’accompagnement du parc privé et imaginer un accompagnement avec les bailleurs sociaux pour permettre aux citoyens une baisse globale de consommation ?
Cette filière est une aberration économique.
Le cabinet d’études nous annonce 100 Millions d’euros, mais il s’agira de bien plus. Ils ne tiennent pas compte du durcissement de la taxe sur les activités polluantes (TGAP) ni à d’autres taxes qui vont apparaitre sous l’impulsion du Haut Conseil pour le Climat.
Également, les cendres et fumées qui resteront de cette incinération ont un coût 5 fois supérieurs à la mise en décharge classique.
Et comme je viens de l’énoncer, il restera toujours autant de déchets à enfouir, ailleurs et parfois bien plus loin que notre région.
Si le choix du CSR est douteux à cause de sa faible efficacité énergétique et sa faible pertinence pour réduire les tonnages de refus, il en va de même pour son coût : avec les coûts annoncés et donc supportés par la collectivité (par le contribuable, via la TEOM), cela revient à 33 M€/an, soit sur les 18 ans de la durée de la DSP : 600 M€. Le délégataire privé prendra seulement 200 M€ à sa charge.
100 millions d’investissement avec quelques aides hypothétiques + 400 millions d’euros sur 18 ans pour le délégataire.
En 2018, la « taxe carbone » sur les carburants a été à l’origine du mouvement des Gilets jaunes.
A quelle date les collectivités devront taxer les ménages pour compenser la gestion calamiteuse d’usines de déchets qui ne fonctionnent pas ? Est-ce aussi une gestion irresponsable que vous souhaitez céder aux générations futures ?
Cette filière est une aberration environnementale et sanitaire.
A l’heure actuelle, nous connaissons les conséquences de la pollution des sols, des cours d’eaux et de l’air par les plastiques et autres déchets volatiles, nous connaissons la nocivité des rejets atmosphériques d’incinérateurs, nous connaissons les conséquences désastreuses d’usines vouées à une croissance exponentielle devant le sacro-saint statut de leur rentabilité.
Cette filière est une aberration politique.
En premier lieu parce qu’elle n’est pas démocratique : les citoyens ne sont pas au courant.
L’issue de nos réunions publiques révèle la vive inquiétude de la population au sujet des conséquences sur la santé des rejets atmosphériques d’une structure industrielle de cette importance. L’association des riverains de Garosud vont ont adressé une lettre ouverte et les associations environnementales ont publié une tribune. Mais rien n’est dit, annoncé ni débattu avec les habitants de la métropole.
Parce que si c’était fait, sans doute demanderaient-ils de laisser sa chance à notre stratégie. Parce que si on leur demandait, sans doute qu’ils seraient d’accord pour changer leurs habitudes et comportements, si tant est que nous puissions les accompagner. La population est de plus en plus informée et consciente de la pollution de nos déchets : le scandale grandissant sur les PFAS le prouve et une loi est débattue à leur sujet ce 4 avril.
C’est une transformation profonde de la société que le politique doit accompagner. C’est un changement de modèle de pensée que nous devons opérer ensemble.
Nous devons laisser tomber le technosolutionnisme et adopter une vision à 360 degrés : prévention, lutte contre le gaspillage, éradication du plastique à usage unique, recyclage des matières qui le sont réellement, réemploi, économie du partage et de la fonctionnalité… Ces solutions ont été votées mais peu mises en œuvre depuis quatre ans.
Cette politique de réduction ne peut se substituer au discours dominant des industriels, au fatalisme et à l’impuissance surjouée du vieux monde politique et des industriels qui consistent à établir la vérité éhontée que les déchets seront toujours présents, toujours si nombreux qu’il faudra les éliminer.
Cher•es collègues, laissez de côté le vieux logiciel productiviste, ne cédez pas à la douce musique des lobbys et de leurs cabinets d’étude qui annoncent qu’il y aura toujours plus de déchets à gérer, au vu de l’inflation démographique de notre territoire et de l’absence de conscience citoyenne, éprouvée depuis de nombreuses années sur notre territoire.
Faisons territoire. Discutons avec nos voisins pour adopter ensemble une même stratégie, pour accompagner les gestes citoyens, pour baisser ensemble nos tonnages et mettre en avant l’économie circulaire et les acteurs de l’Économie Sociale et Solidaire.
Prenons part ensemble à la dynamique citoyenne : faisons société. La lutte ne peut être que solidaire et se devra d’être collective.