Métropole de Montpellier : au pied du mur, la gestion des déchets s’invite dans le débat

Actu.fr du 14 février 2024

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La politique de gestion des déchets a été grandement questionnée lors du conseil de Métropole de Montpellier, notamment par François Vasquez, le délégué sensé la porter.

La difficile question de la gestion des déchets.
La difficile question de la gestion des déchets. (©CN / Métropolitain)

Par Cédric Nithard Publié le 14 Fév 24 à 18:05  

Initialement prévue pour le conseil de Métropole de Montpellier de ce mardi 13 février et reporté au mois prochain, la délibération concernant la nouvelle DSP d’Ametyst a tout de même agité l’hémicycle. La politique de gestion des déchets a été grandement questionnée notamment par François Vasquez. Le délégué écologiste, qui est sensé la porter, fustige la possible orientation vers une filière CSR avec la construction d’un « four à plastique ». La collectivité désormais « au pied du mur » comme le souligna son président Michaël Delafosse, la stratégie Zéro déchet, lancée au début du mandat par la majorité ne fait pas l’unanimité. Le débat est lancé avec un enjeu financier important pour l’avenir.

Un surcoût de 26M€

Il semblait étonnant que le sujet de la gestion des déchets n’arrive pas sur la table lors du Débat d’Orientation Budgétaire. Pointée du doigt par le délégué aux finances Renaud Calvat comme un des éléments de contexte plombant le budget 2024 de la Métropole, celle-ci est prise dans une spirale inflationniste avec un surcoût avoisinant les 26M€, quand la loi impose que la Taxe d’Enlèvement des Ordures Ménagères (TEOM) uniquement la finance.

Avec actuellement 127 000 tonnes d’Ordures Ménagères Résiduelles à traiter, la collectivité doit faire face dans cette équation à l’augmentation croissante de la population et l’accueil de nouvelles entreprises qui augmentent mathématiquement le tonnage chaque année. La politique du Zéro déchet, votée en mars 2022 par le conseil de Métropole, ambitionne malgré tout une baisse de 50% d’ici 2027 et 65% d’ici 2029 des OMR. Des objectifs qui semblent aujourd’hui mis à mal.

Premier à aborder la question, Jean-Noël Fourcade qui interrogea, quant à l’augmentation programmée de la TEOM sur les éléments qui devaient être mis en place dans le cadre de la stratégie Zéro déchet comme la création de partenariats avec les incinérateurs de Sète, Lunel-Vieil et Nîmes ou les incitations au tri. « Depuis le début de ce mandat, les habitants de la métropole trient mieux mais en augmentant cette taxe, quel message envoyons-nous ? Ce n’est plus du tri sélectif, c’est du tri punitif. Cela va à l’encontre de la dynamique que nous voulons mettre en place » argumenta l’élu lattois en demandant « un bilan et les perspectives de la stratégie Zéro déchet pour voir si nous devons la poursuivre ou l’adapter face aux contraintes de notre territoire ».

François Vasquez alerte

François Vasquez n’a pas tardé à apporter une réponse en précisant que l’augmentation de la TEOM n’est pas due à l’exportation des déchets – qui correspondait à une première hausse – mais à l’inflation, à l’augmentation de la TGAP et à la non diminution des tonnages. Et de dresser un bilan sans concession. « La stratégie de Zéro déchet, telle qu’elle a été prévue en début de mandat prévoyait de baisser à horizon 2025 de 35 à 40 000 tonnes les déchets OMR. Elle n’a pas été mise en œuvre et par conséquent, notamment les 20 000 tonnes de déchets de l’activité économique qui pouvaient être sorties sur une année, ne l’ont pas été. Et pour les biodéchets, elle n’a pas été engagée avec suffisamment de volontarisme dès le début du mandat ce qui fait qu’actuellement seuls 30 000 habitants sont en partie équipés sur 500 000 ». Le ton grave, le délégué à la Collecte, tri, valorisation des déchets et Politique zéro déchet, poursuit : « Je regrette cette augmentation, d’autant que je l’avais envisagé en début de mandat, quand j’avais annoncé que le choc des déchets serait supérieur au choc des énergies qui lui diminue en impact et que celui des déchets augmente de façon exponentielle. Il n’y a donc pas de surprise à avoir, sauf que l’on augmentera la TEOM deux fois en trois ans alors qu’elle n’avait pas été augmenté en quinze ans ». L’opposition n’aurait pas dit mieux…

N’ayant jamais manqué de faire entendre sa voix, François Vasquez tonne encore aujourd’hui. « Si la stratégie Zéro déchet n’a pas été engagée avec un grand volontarisme, c’est sans doute qu’une autre option avait été envisagée, celle d’une usine d’incinération des déchets plastiques dans une chaudière » semble-t-il prendre conscience. Et si la délibération concernant la nouvelle DSP d’Ametyst a été reportée au prochain conseil de Métropole, il a tout de même lancé les hostilités. « Cette chaudière coûtera une fortune et aura un coût exorbitant » prévient-il et d’annoncer avec beaucoup de gravité : « L’Europe et la France viennent de décider d’imposer avec une TGAP Climat la filière CSR à hauteur de 45€ la tonne pour commencer. Autrement dit, la branche déjà malade de la filière CSR vient de tomber. Je vous annonce la mort de la filière CSR au moment où je vous parle ». Argumentant sur d’autres points allant dans le même sens, François Vasquez met le dernier clou au cercueil : « C’est la plongée profonde pour les finances de la Métropole si cette filière est adoptée ».

« Vous avez sabordé cette stratégie Zéro déchet »

Dans les rangs de l’opposition, Alenka Doulain, fustigeant le président de la Métropole, a rappelé : « Nous avons voté une feuille de route pour réduire drastiquement la poubelle grise et mettre en place une filière de biodéchet. J’étais intervenu pour dire que c’était un plan sans planification, non pas que je ne soutenais pas cette stratégie Zéro déchet, mais déjà on pouvait y voir votre volonté de la saborder, dont il manquait d’objectifs chiffrés et de moyens humains et techniques pour la maintenir. Aujourd’hui, la réalité saute aux yeux de tous. Vous avez sabordé cette stratégie Zéro déchet pour imposer une solution industrielle coûteuse sans qu’aucune autre alternative ne soit véritablement étudié ».Vidéos : en ce moment sur Actu

Ciblant toujours Michaël Delafosse, elle juge que « le report d’un mois du projet de filière CSR pour mieux faire passer la pilule est une insulte à la démocratie métropolitaine. Un mois ne serait suffire pour pouvoir comparer les scénarios sur un sujet aussi important qui coûte des millions d’euros aux métropolitains et grève notre capacité de dépenses et d’investissements » et d’asséner avec force : « Comment pouvez-vous continuer à mener des choix dans le dos du vice-président des déchets ? ».

Des élus dans l’attente d’informations

Beaucoup plus tempéré, le maire de Cournonterral William Ars a appelé : « Sur cette question des déchets, n’insultons pas l’avenir et regardons toutes les hypothèses de travail. Quand j’entends que l’on s’oriente vers une solution qui nous permet de réduire nos déchets et produire de l’énergie, certes restons vigilant et j’attends que le débat soit éclairé et que l’on nous informe beaucoup plus, mais cela ne me paraît pas rejetable systématiquement, pas d’opposition de principe ».

Sur une ligne similaire, René Revol a défendu : « Si on dit que l’on fait un débat, il faut qu’il soit ouvert et contradictoire. Je remercie M. Vasquez de son intervention. Il faudra que l’on reprenne les choses de manière très calme avec toutes les options sur la table pour avoir un avis éclairé. Il est indispensable d’avoir toute ces positions développées, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui avec ce DOB ». Et le maire de Grabels ne manque pas de souligner l’enjeu et les responsabilités qui pèsent : « La question des déchets a été mis sous le tapis par tous nos prédécesseurs pour voir plus tard comment cela allait se passer. Le débat qui vient va jouer un rôle essentiel, car il signifie que cette assemblée, tous les maires, les élus et j’espère les citoyens avec nous, doit regarder les choses en face et définir une stratégie pour faire face, car dans ce domaine nous avons du retard ».

Prévenant de toute démagogie, le maire de Lattes, Cyril Meunier alerta : « Aurions-nous raison que l’on aurait tort. Ne pensez pas que la solution des déchets est simple. Prenons le temps rapide, car il y a une urgence. Si on prend trop de temps, c’est un budget qui va nous plomber sur toutes les autres actions de la Métropole ».

Défense de la politique Zéro déchet

Les écologistes de Montpellier étant toujours aussi particuliers, Manu Raynaud apporta une vision nettement plus optimiste que celle de François Vasquez. Évoquant une « taxe Saurel » pour la fermeture du casier de Castries, l’élu montpelliérain expliqua : « Il a eu un choc des déchet, il faut un big bang des déchets. Il faut une prise de conscience, mais il n’y a pas de solution magique. La politique Zéro déchet commence à produire ses effets, il ne doit y avoir ni pause, ni renoncement ».

Face aux différentes prises de parole, Michaël Delafosse rentra aussi dans le débat pour défendre la stratégie Zéro déchet. « On dit que l’on n’aurait pas mis les moyens sur la feuille de route. Tout est de ma responsabilité et de celle de l’exécutif. La première dépense de fonctionnement qui a augmenté de 2M€ l’année dernière c’est sur la stratégie des biodéchets avec 47 postes supplémentaires de créés et 500 000€ annuel de communication. Alors ce n’est sans doute pas assez mais cela rentre dans un équilibre » argumenta-t-il en ajoutant l’augmentation du nombre de composteur individuel passant de 29 000 en 2020 à 37 000 actuellement avec un plan de communication prévu dans une dizaine de communes.

« La compétence déchet a doublé alors il faut aller massivement sur la réduction des déchets mais nous sommes aujourd’hui la seule métropole de France à ne pas avoir de solution et à être en solution d’export dont l’émission de CO2 est supérieur à l’aérien » mis en avant Michaël Delafosse qui détailla : « Le budget des déchets est largement déficitaire. Le coût de gestion est le double de la moyenne nationale. Nous n’avons plus d’exutoire donc 4 500 camions partent une partie à Sète et Lunel-Viel, mais aussi dans le Gard, l’Aude, les PO, le Tarn et le Tarn-et-Garonne. On n’est pas en circuit court, on est en circuit open bar, on envoie « nos merdes » ailleurs et le ailleurs dit nous n’en voulons plus » en expliquant ainsi la volonté de certains incinérateurs de réduire leur capacité. Une filière CSR à Montpellier permettrait-elle de résoudre la problématique ?

« Il est temps de conclure le débat »

C’est en substance ce à quoi va s’atteler le conseil de métropole le mois prochain. Ce que remet en doute à sa manière Hervé Martin. « Le débat a été reporté, mais j’entends depuis une semaine des monologues dans les bureaux, dans la presse, sur les réseaux sociaux… visiblement le débat est quand même lancé » juge l’élu communiste avant de charger : « J’avais jusqu’à maintenant identifié deux types de personnes qui déclenchaient des crises, nous expliquaient qu’ils avaient des solutions et redéclenchaient des crises : les économistes et les urbanistes. On peut rajouter les rudologues verts qui, il y a vingt ans, nous ont imposé une usine de méthanisation, dont le groupe communiste s’était opposé, j’ajoute le coût de la fermeture du casier de Castries, des coûts qui explosent et la nécessité absolue d’avoir enfin dans notre métropole un processus de traitement des déchets. Tout le monde est favorable à la réduction la plus importante possible de la production de déchets, qui sont d’ailleurs produits par les industriels, il y a donc une nécessité à étudier enfin des process. Mais que l’on ne me dise pas que le débat n’a jamais commencé car il a commencé il y a plus de vingt ans et il est temps de le conclure avec un process efficace ».

Un dernier point partagé par Michaël Delafosse qui rappelle une dernière fois la gravité de la situation : « Nous sommes au pied du mur. Comme nous l’avons eu sur la régie publique de l’assainissement, nous aurons un débat pour voir comment nous allons faire. Une chose est sûre, c’est que l’exercice de la responsabilité, c’est de ne pas faire comme en 2019 en fermant, en s’en lavant les mains et en laissant une addition galopante ». Quelle réponse apportera la collectivité ? Les élus ont un mois pour s’informer et trancher.